Ces deux extraits sont particulièrement intéressants, dans la mesure où ils illustrent la tension opposant la volonté politique de soutenir militairement les rebelles syriens et la conviction juridique qu’un tel soutien n’est pas permis par le droit international contemporain. John Kerry, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères des Etats-Unis, annonce une « humanitarian support » ; chiffrée à 60 millions $, qui aura pour objet : « to strengthen the organizational capacity of the Syrian opposition coalition », de fournir « sanitation, food delivery, medical care », et « speed the delivery of basic goods and services including security and education ». Dans son allocution à la Chambre des communes, son homologue britannique, William Hague, annonce une aide plusieurs millions de livres pour fournir « non lethal equipment for the protection of civilians », c’est-à-dire : « protective equipment [including] armed four-wheel drive vehicles to help opposition figures move around more freely » ainsi que « personal protection equipment including body armour ». A première vue, il est difficile de concilier une telle pratique avec le droit international. Peut-être pourrait-on cependant y déceler une tentative de se référer au dictum de la Cour internationale de Justice, selon lequel :
« [i]I n’est pas douteux que la fourniture d’une aide strictement humanitaire à des personnes ou à des forces se trouvant dans un autre pays, quels que soient leurs affiliations politiques ou leurs objectifs, ne saurait être considérée comme une intervention illicite ou à tout autre point de vue contraire au droit international […] » (C.I.J., Recueil 1986, p. 124, par. 242).
La Cour n’a pas défini l’expression de « strictement humanitaire », mais l’a opposée à un « soutien financier, d’entraînement, de fournitures d’armes, de renseignements et de soutien logistique » (ibid.), tout en précisant que cette expression recouvrait : « la fourniture de denrées alimentaires, de vêtements, de médicaments et toute autre aide humanitaire, et exclut la fourniture d’armes, de systèmes d’armes, de munitions ou autres équipements, véhicules ou matériels susceptibles d’être utilisés pour infliger des blessures graves ou causer la mort de personnes » (Ibid., p. 125, par. 243 (citant le par. 97 de l’arrêt)). Telle est, peut-être, l’origine du concept d’aide militaire « non létale » telle qu’elle apparaît dans les discours précités. On peut toutefois douter que de telles précautions rhétoriques soient suffisantes pour justifier ce qui apparaît bien comme étant, à tout le moins, assimilable à un « soutien logistique » ou, pour reprendre les termes de la résolution 2625 (XXV) de la Charte des Nations Unies, le fait « d’organiser ou d’encourager des actes de guerre civile ou des actes de terrorisme sur le territoire d’un autre Etat, d’y aider ou d’y participer […]».
Liens vers des versions plus complètes :